
Qu'il s'agisse d'un tremblement de terre, d'une pénurie d'électricité ou d'une cyberattaque après la pandémie, la pénurie d’électricité apparaît comme un scénario fortement susceptible de se produire.
René Harlacher, Chief Underwriting Officer auprès de Zurich Suisse, présente dans un entretien avec Daniel Schriber les risques qui font actuellement l’objet de toutes les attentions et explique pourquoi de tels événements, qui pourraient causer des dommages extrêmes à l’économie suisse dans le cas d’une pénurie d’électricité, ne peuvent être maîtrisés qu’en unissant nos forces.
Les différents risques majeurs ont un point commun : ils se produisent rarement, mais leur potentiel de dommages est immense. La pandémie que nous venons de traverser en est une parfaite illustration. Il est donc d'autant plus important que la société se penche sur ces questions suffisamment en amont.
En fait, la pandémie a eu des conséquences très lourdes que personne n’avait imaginées. Le virus n'a pas seulement entraîné des problèmes de santé, il a également paralysé une grande partie de l'économie et créé des tensions au sein de la société. Cette expérience est la raison pour laquelle notre secteur redouble d’efforts afin de nous prémunir au mieux contre de tels risques majeurs. Nous entendons être mieux préparés pour affronter les événements de demain.

En principe, il s'agit de déterminer l'ampleur des dommages qu’un événement est susceptible d’entraîner et, sur cette base, d’articuler des produits d'assurance de la manière la plus pertinente possible: Spécialiste en risques René Harlacher.
La situation de départ diffère en fonction du type de risque considéré. En ce qui concerne les risques naturels, nous disposons d’un grand nombre de données diverses et variées qui, pour certaines, ont été collectées pendant des siècles. C’est pourquoi nous sommes déjà en mesure de modéliser ce type de risques de manière assez précise. Pour d'autres dangers, nous ne disposons ni des données ni de l'expérience nécessaires.
Un point essentiel porte sur l'évaluation des dommages potentiels pour l'économie dans son ensemble, mais aussi pour le secteur de l’assurance. La période de récurrence potentielle d'un événement est déterminante en matière d’évaluation du risque qu’il représente, car elle exerce un impact direct sur la mise en œuvre des offres d'assurance.
Alors qu'un séisme de grande amplitude ne se produit que tous les 500 ans environ, une forte chute de grêle peut survenir tous les 30 ans. Cela se répercute bien évidemment sur le calcul des primes. En principe, il s'agit de déterminer l'ampleur des dommages qu’un événement est susceptible d’entraîner et, sur cette base, d’articuler des produits d'assurance de la manière la plus pertinente possible.
Il y a urgence à trouver des solutions pour les tremblements de terre, les pénuries d'électricité et les cyberattaques à l’échelle mondiale.
Il y a urgence à trouver des solutions pour les tremblements de terre, les pénuries d'électricité et les cyberattaques à l’échelle mondiale. En collaboration avec une équipe de projet composée de représentants de l’Association Suisse d’Assurances (ASA), nous nous efforçons actuellement de formuler des recommandations concrètes pour faire face à ces risques spécifiques. D’ici la fin de l’année, nous devrions disposer des résultats de ces travaux.
C'est compréhensible, mais dangereux. Si l’aléa sismique n’est effectivement que moyennement élevé en Suisse, un tremblement de terre est néanmoins susceptible de provoquer des dégâts considérables en raison de la densité d’urbanisation et de la concentration élevée de valeurs matérielles.
Le plus fort tremblement de terre documenté en Suisse s'est produit en 1356, il y a donc 666 ans. À l'époque, un séisme de magnitude de 6,6 avait ébranlé la ville de Bâle. D’après les modélisations correspondantes, un événement comparable se traduirait aujourd'hui par 1000 à 6000 morts, 60 000 blessés graves et légers, 1 600 000 sans-abri temporaires – et des dommages matériels de l’ordre de 50 à 100 milliards de francs. Malheureusement, la population n’a pas encore pris suffisamment conscience du pouvoir dommageable de tels risques. Par ailleurs, en Suisse, les tremblements de terre ne sont pas suffisamment couverts par l'assurance obligatoire des bâtiments.
Avec le pool pour la couverture des dommages causés par les forces de la nature, la Suisse dispose d'une caisse solidaire unique au monde. Le pool des dommages naturels porte au total sur neuf dommages naturels – dont les inondations, les avalanches, les tempêtes, les chutes de pierres et de grêle. Cette solution d'assurance exemplaire permet à tous de bénéficier d'une assurance complète contre les dangers naturels à un prix abordable. Une solution similaire serait également envisageable pour les tremblements de terre. Ce que beaucoup ignorent peut-être : cette lacune d'assurance peut d'ores et déjà être comblée en souscrivant une assurance tremblement de terre privée à titre facultatif.
Le secteur de l’assurance suisse soutient les efforts actuels de la Confédération pour maintenir la stabilité de l’offre d’énergie électrique. Cela devrait permettre d’éviter durablement une pénurie d’électricité à l’avenir. En parallèle, l’ASA a intensifié ses efforts en interne pour mieux comprendre les possibilités d’assurance dans le cas d’une pénurie de gaz ou d’électricité.
Dans son « Rapport sur les risques 2020 », l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP) a identifié les dangers qui menacent la Suisse. Il s’agit entre autres de catastrophes naturelles de toutes sortes, de cyberattaques, de pandémies ou de pénuries d’électricité généralisées. Une pénurie d’électricité persistante pendant le semestre hivernal est considérée comme « le risque majeur » (valeur attendue des dommages).
Il y a plusieurs explications à cela, et l'aspect financier joue certainement un rôle non négligeable. Sans parler du fait que beaucoup ressentent une sorte d’« écœurement » par rapport à tout ce qui touche la pandémie. Après deux ans d’état d’urgence, ils n’ont plus envie de se pencher sur ce sujet – alors que ce serait justement l’occasion idéale de poser les bons jalons pour l’avenir. Si nous ne la saisissons pas, lors de la prochaine pandémie, nous serons confrontés aux mêmes problèmes que ces deux dernières années.
On peut bien sûr voir les choses ainsi. Nombreux sont ceux qui pensent qu'en cas d'urgence, il y aura toujours quelqu'un pour prendre en charge les frais occasionnés. Toutefois, le fait est, qu’au cours des années à venir, nous allons devoir réduire notre endettement. Avec une assurance pandémie, nous aurions la chance d’accumuler petit à petit les fonds nécessaires et d’être ainsi prêts pour la suivante. Il en va d'ailleurs de même pour d'autres risques majeurs comme les pénuries d'électricité.
Actuellement, il n'existe quasiment aucune assurance qui couvre les pannes de courant généralisée et de longue durée.
Actuellement, il n’existe quasiment aucune assurance qui couvre les pannes de courant généralisée et de longue durée. Et ce, bien que la Confédération estime, dans son analyse des risques « Catastrophes et situations d'urgence en Suisse 2020 », que les problèmes liés à l'électricité constituent le risque majeur par excellence pour la population et les entreprises en termes de probabilité d'occurrence et de dommages attendus.
Si la prise de conscience est sans aucun doute plus élevée que dans d'autres domaines, nous ne sommes néanmoins pas encore beaucoup plus avancés en termes de pénétration de ce produit d'assurance. Bien que nombre de compagnies d’assurances proposent déjà des solutions intéressantes pour couvrir les cyberrisques, près de 90 pour cent de leurs entreprises clientes n’en ont pas encore souscrites. Que se passerait-il si une attaque survenait un jour et paralysait des pans entiers de l'économie sur une longue période ? Nous ferions bien de nous préparer le mieux possible aux pires des scénarios envisageables.
C'est justement dans le domaine des cyberrisques que la prévention revêt une extrême importance. Alors que les grandes entreprises dotées de leurs propres services informatiques prennent déjà des mesures, il fautcontinuer à éveiller la conscience des PME à cette problématique.
Les pandémies, les cyberattaques à grande échelle ou les conséquences économiques des pénuries d'électricité ne peuvent être maîtrisées que dans le cadre de partenariats public-privé passés avec la Confédération et les cantons.
Les pandémies, les cyberattaques à grande échelle ou les conséquences économiques des pénuries d’électricité ne peuvent être maîtrisées que sous certaines circonstances dans le cadre de partenariats public-privé passés avec la Confédération et les cantons. Comme nous l'avons mentionné, nous, assureurs privés, sommes en train d'élaborer des propositions de solutions appropriées. Il ne reste plus qu'à espérer qu'elles seront ensuite entendues.
René Harlacher est responsable du groupe de travail Risques majeurs en tant que membre du comité non-vie ASA. Depuis août 2016, il est Chief Underwriting Officer auprès de Zurich Suisse. Auparavant, il a occupé différents postes de direction auprès d’Axa Winterthur, notamment celui de responsable de la clientèle entreprises, de responsable Souscription et de responsable Business Development Property & Casualty. Âgé de 41 ans, il est titulaire d’un Master of Science en informatique de gestion de l’université de Zurich.
Cet entretien vient clore notre série en quatre parties consacrée à des interviews d’experts. Vous trouverez ci-après les trois autres entretiens sur les risques majeurs que sont les cyberattaques, les pandémies et les pénuries d’électricité.
Dans cette interview, Maurice Dierick de la société nationale pour l’exploitation du réseau Swissgrid explique pourquoi la pénurie d’électricité relève des risques majeurs pour la Suisse.

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