Konferenzraum mit Stuhlreihe und Präsentationsbildschirm.

Colloque 2025 sur l’art: entre marché, sécurité et responsabilité

Contexte
10. novembre 2025

Le 30 octobre 2025, la galerie Kornfeld à Berne a accueilli le colloque sur l’art organisé par l’Association Suisse d’Assurances (ASA). Riche d’une longue histoire, la galerie Kornfeld est l’une des maisons de vente aux enchères les plus renommées au monde. Elle s’est avérée un écrin idéal pour des échanges tant professionnels que personnels entre les quelque 60 participants issus du monde de l’assurance, de l’art et des musées.

Un marché de l’art en pleine mutation

Après quelques mots d’introduction prononcés par Peter Meili (Liberty Specialty Markets Europe S.à r.l., responsable du groupe de travail «Art» au sein de l’ASA) et Tanja Wilke (chargée du département non-vie à l’ASA), Bernhard Bischoff (propriétaire, directeur général et commissaire-priseur de Kornfeld Auktionen) est entré dans le vif du sujet avec ses «Quelques réflexions sur le commerce de l’art aujourd’hui». Il a brossé un tableau très clair de ce marché en pleine mutation. Des produits de luxe tels que des sacs à main haut de gamme sont de plus en plus commercialisés comme objets de collection et entrent ainsi en concurrence avec les objets d’art classiques. En matière d’aménagement intérieur des logements privés, la tendance est aux parois vitrées et aux grands plateaux ouverts. Les surfaces murales disponibles se réduisent comme peau de chagrin et laissent ainsi peu de place pour exposer des œuvres d’art. Dans le même temps, la réglementation, en particulier au sein de l’UE, ne cesse de se durcir et se traduit notamment par une complexification des tâches logistiques et administratives. 

Vortragender auf Veranstaltung vor Publikum mit Präsentation auf Leinwand.

Le colloque a été organisé par Tanja Wilke, chargée du département non-vie a l'ASA.

Aspects historiques et actualités de l’assurance des œuvres d’art

Oliver Class (responsable de l’assurance objets d’art auprès d’Allianz Suisse Société d’Assurances SA) a parlé d’analyse des risques, de prévention et de règlement des sinistres ainsi que de leur transformation au fil du temps. Il a montré comment la pratique de l’évaluation des risques a évolué en une étroite imbrication entre prévention, analyse et responsabilité en matière de conservation. Selon lui, une gestion prudente des biens culturels implique la souscription d’une assurance des œuvres d’art. À la suite du vol commis au Louvre, Oliver Claas s’est retrouvé presque chaque jour dans la presse ces derniers temps pour informer le public et l’éclairer de son expertise. 

Art et sécurité dans le paysage muséal

Markus Spinnler, directeur général de Security Experts GmbH, s’est placé dans la perspective des infrastructures liées à la sécurité. Pour être complète, la sécurité dans les musées s’appuie sur trois piliers: mesures d’ordre technique, précautions architecturales en matière de sécurité et de protection contre les incendies, ainsi qu’organisation et processus avec des formations régulières dans le domaine de la sécurité. Il a expliqué le principe du facteur temps comme idée de base d’une architecture de sécurité efficace. Le temps de résistance indique le temps gagné grâce à des mesures architecturales et mécaniques telles que des portes solides, des fenêtres sécurisées ou des vitrines robustes. Le temps de détection désigne le laps de temps nécessaire pour qu’un incident soit repéré, par exemple à l’aide de capteurs ou de tout autre outil de surveillance, et que cela déclenche systématiquement une alarme. Le délai d’intervention représente le temps nécessaire aux forces d’intervention pour arriver sur place et entrer en action. La protection est efficace lorsque le temps de résistance est plus long que le temps de détection et le délai d’intervention cumulés et que ces trois éléments s’imbriquent parfaitement. La protection des œuvres d’art et des biens culturels est efficace uniquement si elle repose sur des mesures de sécurité d’ordre mécanique qui permettent de gagner suffisamment de temps pour qu’une effraction puisse être détectée et une intervention diligentée.

Impact de la politique américaine actuelle sur le transport des œuvres d’art

Lors de la table ronde animée par Peter Meili, les discussions entre Bernhard Bischoff, Peter Haas (Haas & Company AG) et Stephan Zilkens (Zilkens Fine Art, Cologne) ont tourné autour des répercussions de la politique américaine sur les expositions, les collections et leur transport. Il en ressort que le transport des œuvres d’art n’est pas concerné par les nouvelles sanctions douanières américaines. Toutefois, toute œuvre d’art envoyée par la poste et non par des transporteurs professionnels risque d’être considérée comme une marchandise commerciale et, de ce fait, soumise à des droits de douane. Les différents intervenants ont chaudement recommandé que l’envoi des œuvres d’art soit systématiquement confié à des transporteurs spécialisés.

Menschen unterhalten sich bei einem Networking-Event drinnen.

Une soixantaine de participants issus du monde de l'assurance, de l'art et des musées ont pris part au colloque sur l'art.

La Commission indépendante pour le patrimoine culturel au passé problématique

L’après-midi a été consacrée à des questions juridiques d’actualité. Florian Schmidt-Gabain (SCHMIDT-GABAIN AG) est revenu sur la nouvelle Commission indépendante pour le patrimoine culturel au passé problématique. Il en a retracé la genèse, présenté sa mission et détaillé ses compétences. Il a également expliqué quels cas relèvent des attributions de la commission et qui est habilité à la contacter. Il a par ailleurs énuméré les différents principes selon lesquels la Commission élabore ses recommandations et précisé le déroulement concret d’une procédure. 

Risques et scénarios de dommages: un exemple tiré de la pratique

Dans son intervention intitulée «Nur kurz umplatziert… » (Déplacement juste temporaire...), Philippe Grütter (spécialiste senior des dommages aux œuvres d’art, Helvetia Assurances, Bâle) a décrit quelques risques et dommages typiques dans le domaine de l’art. Il s’est appuyé sur un cas concret et a montré comment une statue en marbre de près de 500 kg a été endommagée par une grue de levage alors qu’elle devait être déplacée temporairement. Sales et mal fixées, les sangles utilisées pour soulever la statue ont non seulement taché la sculpture, mais un bras en a été cassé. Comme le bras lui-même n’a pas été endommagé, le restaurateur du preneur d’assurance a pu réparer les dégâts après consultation de l’artiste et du client. La bonne communication entre l’assureur, le propriétaire et l’artiste a facilité la collaboration et mené à une issue satisfaisante. 

De la valeur des œuvres d’art: entre évaluation objective et perception subjective

Pour clore la journée, Dietmar Stock-Nieden (responsable du service «Expertises et estimations» de l’Institut suisse pour l’étude de l’art) a explicité les raisons pour lesquelles la valeur d’une œuvre d’art dépend avant tout de son état de conservation. Cet aspect transparaît d’ailleurs dans la pratique des maisons de vente aux enchères qui insistent sur la nécessité d’un examen minutieux de l’objet convoité avant son achat et ne manquent pas de préciser «achat en l’état». Tout dommage provoqué à un objet d’art entraîne une réduction de sa valeur intrinsèque. Si la dépréciation est couverte par l’assurance, elle doit être traduite en chiffres vérifiables lors de l’indemnisation. Dans sa présentation, il a insisté sur les difficultés d’une telle évaluation. En effet, les dépréciations peuvent être déterminées, d’une part, à l’aide de critères objectifs, notamment l’état antérieur par rapport à l’état actuel, la localisation des dommages, la possibilité de pouvoir exposer l’objet et la valeur marchande de l’œuvre restaurée. D’autre part, des facteurs subjectifs entrent aussi en ligne de compte comme la valeur affective de l’œuvre pour son propriétaire ou son intérêt pour les collectionneurs. Il ressort de plusieurs études de cas que si un catalogue de critères peut servir de référence, les décisions discrétionnaires doivent néanmoins être prises de manière éclairée.

Riche en enseignements précieux à l’interface entre l’art, le marché et l’assurance, ce colloque a combiné des connaissances approfondies avec des perspectives pratiques. Il a permis de rappeler que l’assurance des œuvres d’art ne repose pas seulement sur des chiffres et des polices, mais aussi sur la responsabilité, l’expertise et le soin apporté au patrimoine culturel.

Le groupe de travail «Art» de l’ASA

Ce groupe de travail a été créé le 10 février 2008 en réaction au cambriolage de la collection Bührle à Zurich. Les compagnies d’assurances entendaient ainsi apporter une réponse uniforme face à l’inquiétude des musées et leur dispenser des conseils avisés. Il s’occupe de la logistique en lien avec les œuvres d’art, des appels d’offres, de la définition des couvertures, de la veille du marché ainsi que des questions relatives au droit de l’art et au droit prudentiel.

Le prochain colloque consacré à l’art devrait se tenir en 2029.