Erdbebensymbolbild mit zerstörtem Haus

Le système d’engagements conditionnels en cas de séisme : une fausse bonne idée

Listicle
12. décembre 2025

Les tremblements de terre sont certes rares, mais ils peuvent causer d'immenses dommages économiques et avoir de graves conséquences sociales. Mais jusqu'à présent, seule une minorité de la population s'est assurée contre ce risque. Le Conseil fédéral veut changer cela avec une « assurance contre les tremblements de terre au moyen d’un système d’engagements conditionnels ». Nous expliquons de quoi il s'agit et pourquoi l'ASA rejette la proposition.

En Suisse, les tremblements de terre, bien que très rares, sont clairement le danger naturel présentant le plus grand potentiel de dommages en raison de la densité de population et de la forte concentration de biens matériels. C'est ce que montre également le nouveau modèle de risque sismique du Service sismologique suisse à l'EPF de Zurich. La bonne nouvelle : les tremblements de terre sont assurables par le secteur privé, car ils remplissent toutes les conditions d'assurabilité. La mauvaise nouvelle : seuls 15 pour cent environ des propriétaires de maisons de notre pays sont assurés à ce jour contre les dommages causés par les tremblements de terre. En cas de tremblement de terre, il faut donc s'attendre actuellement à un énorme « Protection Gap » - écart entre les dommages survenus et ceux assurés. 
La politique suisse s'est fixé pour objectif de combler cette lacune en matière d'assurance. En 2021, le Conseil fédéral a donc été chargé par le Parlement d'élaborer une proposition « d'assurance contre les tremblements de terre par un système d'engagements conditionnels ». Pour cela, une modification de la Constitution est nécessaire. 

« Assurance tremblement de terre par un système d'engagements conditionnels »

En dépit de ces progrès, le Conseil fédéral a été chargé en 2021 par le Parlement d'élaborer une proposition en vue d'une «assurance contre les tremblements de terre au moyen d'un système d'engagements conditionnels». Il s’agissait de trouver une solution permettant de financer de manière plus globale les conséquences d'un tremblement de terre. Cela implique une modification de la constitution. 

En notre qualité d’Association Suisse d'Assurances ASA, nous saluons chaque effort entrepris aux fins de se prémunir contre les risques, mais nous rejetons le système d'engagements conditionnels proposé pour les six raisons suivantes:

Une assurance par le biais d’engagements conditionnels est inutile

Les tremblements de terre consistent en un risque assurable par le secteur privé. La population et les acteurs économiques peuvent d'ores et déjà s'assurer contre les tremblements de terre.

Concrètement : Le risque sismique remplit toutes les conditions de l'assurabilité: événement aléatoire, indépendant, univoque, connaissance de la répartition des dommages, prévisibilité de la prime ainsi que capacités d'assurance existantes. Les tremblements de terre constituent un risque calculable qui s’appuie sur une importante quantité de données et un nombre croissant de modèles de risques . Les tremblements de terre étant assurables, la population et les entreprises suisses ont déjà le choix entre une multitude de produits d'assurance sismique, et leur nombre va croissant. Ceux-ci couvrent aussi bien les dommages aux bâtiments que ceux aux biens meubles et à l'inventaire du ménage, les dommages de pertes d'exploitation ainsi que les pertes de revenus locatifs. Une solution de droit public qui s’appliquerait uniquement aux bâtiments est inutile.

Le système d’engagements conditionnels revient à introduire un impôt supplémentaire

Une assurance tremblement de terre par le biais d'un système d’engagements conditionnels ne consiste pas en une assurance, mais bel et bien en un impôt supplémentaire.

Concrètement : En cas de séisme de grande magnitude, les propriétaires d’immeubles seraient tenus d’acquitter un supplément à hauteur de 0,7 pour cent de la valeur assurée de leur bâtiment. Un tel engagement conditionnel ne manquerait pas d’exercer des effets pervers: les propriétaires immobiliers risqueraient de réduire leurs investissements dans la prévention puisque, de toute façon, «au final, c'est la collectivité qui paie». Quel degré de résistance aux séismes est-ce que je choisis pour ma construction? Combien d’argent est-ce que je souhaite investir dans la sécurité des bâtiments? À l’heure actuelle, les investisseurs et les propriétaires immobiliers prennent leurs décisions de manière autonome et contribuent à la résilience par leurs choix.

Le système d’engagements conditionnels est incomplet

Le système d’engagements conditionnels n'offre aucune couverture d'assurance pour l’inventaire du ménage ni les biens meubles.

Concrètement : Or, en cas de tremblement de terre, ce sont surtout les bâtiments et les biens meubles qui sont touchés (choses mobiles qui ne sont pas considérées comme faisant partie intégrante du bâtiment ni comme des installations immobilières). S'y ajoutent les dommages résultant de l'interruption de l'exploitation et les frais de déblaiement. Sans parler des dommages humains (personnes décédées ou blessées), inévitables et insoutenables. Le système d’engagements conditionnels ne couvre toutefois ni l'inventaire du ménage ni les biens meubles, il se concentre exclusivement sur l'enveloppe du bâtiment: c’est un peu court. 

La taxe exerce un effet amplificateur de la crise

La perception par l'État d'une taxe supplémentaire au moment même où une catastrophe vient de survenir aggrave inutilement une situation économique déjà tendue.

Concrètement : En cas de séisme de grande magnitude, les propriétaires immobiliers devraient verser à l'État 0,7 pour cent de la valeur assurée de leur bâtiment à titre de taxe. La perception d'une taxe supplémentaire par l'État ne ferait qu’aggraver davantage encore les immenses défis économiques devant être relevés après un tremblement de terre dévastateur.

L'applicabilité de ce système est discutable

En cas de séisme majeur, il est important que les fonds destinés à la reconstruction soient disponibles rapidement. Or, rien n’est moins sûr avec un système d’engagements conditionnels.

Concrètement : Pour permettre une reconstruction rapide, des moyens financiers doivent être mis à disposition immédiatement après le sinistre. L’application d'un système d’engagements conditionnels soulève toute une série de questions: Qu'en est-il de la capacité de paiement en cas de catastrophe? Comment procéder en cas de retards ou de refus de paiement? Quid des propriétaires de biens immobiliers situés à l'étranger? En outre, un recouvrement complexe et généralisé implique inévitablement une charge administrative supplémentaire non négligeable. Un système d’engagements conditionnels promet beaucoup, mais passe aussi beaucoup sous silence. S’il évoque bien un volume maximal de 22 milliards de francs suisses, la part revenant aux personnes concernées n’est pas très claire. Les frais administratifs ne sont pas indiqués, alors qu'ils sont substantiels.

Le système d’engagements conditionnels dessert la place d'assurance suisse

Une solution étatique empêche toute participation internationale à la résolution de la crise.

Concrètement : Les tremblements de terre étant assurables, ces risques peuvent être diversifiés en les transférant sur le marché mondial de la réassurance. Comme dans le cas d'autres dangers naturels tels que la grêle, les tempêtes ou les inondations, les réassureurs internationaux – dont beaucoup ont établi leur siège en Suisse – assistent les assureurs dans la maîtrise commune des sinistres majeurs. En introduisant le système d’engagements conditionnels, la Suisse miserait sur une solution orchestrée par les pouvoirs publics et restreinte au niveau national plutôt que de s’appuyer sur des solutions de gestion de crise éprouvées et soutenues à l’international. Il en résulterait que les dommages qui sont aujourd'hui supportés par les marchés mondiaux devraient à l'avenir être supportés uniquement par les propriétaires, les locataires et les contribuables suisses.