Trans­pa­rence et sin­cé­rité pour un sys­tème de pré­voyance du­rable

Interview

La nouvelle réforme constitue une étape nécessaire en faveur de l’amélioration continue de notre prévoyance vieillesse, déclare la conseillère aux États Johanna Gapany. Elle en évoque l’urgence ainsi que les exigences à satisfaire.

Madame Gapany, quel est pour vous, en tant que jeune libérale, le degré d’urgence d’une révision de la prévoyance vieillesse ?

Il est absolument urgent de réformer nos assurances sociales si nous y tenons. Surtout, davantage qu’une réforme rapide, nous avons besoin d’une réforme solide. Une réforme équilibrée qui tienne compte des réalités notamment démographiques, sociales et économiques. Une réforme qui pérennise le premier et le deuxième piliers et qui soit acceptable pour la population. Je veux être optimiste parce que la rareté des réformes et les changements sociaux exigent de nous une réponse efficace et acceptable au plus vite.
 

La prévoyance vieillesse est depuis longtemps un grand sujet d’inquiétude pour la population Suisse, y compris pour les jeunes. Pour autant, les propositions de réforme échouent toutes les unes après les autres lors des votations. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?

La difficulté est un fait. Lorsque le sujet concerne tout le monde et que les intérêts sont divergents, il est nécessaire de trouver un terrain d’entente. Alors plutôt que de revenir sur ce qui n’a pas fonctionné, je souhaite dire ce dont nous avons besoin désormais. Si nous tenons effectivement à notre système de prévoyance – et j’y tiens – nous devons nous unir et admettre que la prochaine réforme ne résoudra, certes, pas tous les problèmes, mais elle en résoudra déjà une partie. Et elle est, en ce sens, l’étape nécessaire pour s’engager sur la voie de l’amélioration continue de notre prévoyance.

Johanna Gapany

Pour réussir cette réforme, nous avons besoin de nous entendre et de nous comprendre.: Johanna Gapany.

Lors des votations, la gauche avance souvent des notions comme « le vol des rentes » ou prétend que l’assainissement de l’AVS se ferait « sur le dos des femmes ». Pourquoi les partis bourgeois n’arrivent-ils pas à réfuter ces arguments ?

L’âge de la retraite n’est pas la préoccupation de la gauche. D’ailleurs, elle avait accepté cette adaptation dans le cadre de Prévoyance vieillesse 2020. Pire encore, il s’agit d’une attaque directe vis-à-vis des prestations puisque les chiffres sont dans le rouge et sans réforme, il y a un risque certain de voir les prestations diminuer.

Si nous dépassons ce seul manque de cohérence, nous constatons, en plus, que la gauche utilise un argument fallacieux pour refuser une réforme dont son ministre est en charge.

Contrairement à ses propos, c’est au niveau de la LPP que les femmes gagnent moins que les hommes, principalement en raison d’inégalités passées et du travail à temps partiel. Au niveau de l’AVS, elles gagnent sensiblement plus, en raison d’une espérance de vie supérieure et de conditions plus avantageuses pour la rente de veuve.

Qu’est-ce que cela signifie ? Que pour améliorer les rentes des femmes, le travail doit se faire au niveau de la réforme du 2e pilier et plutôt que de saboter la réforme du 1er pilier, la gauche ferait mieux d’orienter ses efforts sur cette prochaine réforme du 2e pilier.

 

Les jeunes doivent passer à la caisse pour rattraper les manquements des anciens. Or, mis à part ceux qui sont engagés politiquement, ils ne semblent pas s’intéresser énormément à cette question. Comment pourrait-on inverser cette tendance ?

Le choix d’une profession, la formation, l’entrée sur le marché du travail, la fondation d’une famille sont de grandes étapes de la vie et la jeunesse a son lot de préoccupations. Cela ne signifie pas que la prévoyance n’est pas importante aux yeux des jeunes. Ce qui est compris comme un manque d’intérêt est selon moi davantage une question de priorité des besoins. Avec les réformes en cours et les débats, les jeunes s’intéressent de plus à cette question et en comprennent les enjeux. De mon point de vue, notre système démocratique est un atout puisque le débat se fait au parlement mais aussi avec la population, et les défis sont ainsi communiqués et connus. Le politique a, dans ce sens, une grande responsabilité et nous devons être transparents vis-à-vis des jeunes sur la situation du système de prévoyance. Aussi, les employeurs ont un rôle à jouer pour donner à chacune et chacun les moyens de comprendre comment elle/il constitue son épargne vieillesse.

 

Sincèrement, ce grand coup réformateur va-t-il réussir ? Quelles conditions devraient être remplies selon vous pour que la réforme de la prévoyance vieillesse soit approuvée par le plus grand nombre ? 

Ce n’est pas un grand coup selon moi. Les réformes ont été trop peu nombreuses et les changements trop importants pour tout résoudre d’un coup. Notre ambition doit être celle de faire passer une première réforme qui ouvrira ensuite la voie aux futures réformes nécessaires pour une amélioration continue du système de prévoyance.

Et pour réussir cette réforme, nous avons besoin de nous entendre et de nous comprendre. Surtout, nous avons besoin de sincérité et de transparence de la part de tous, car ce ne sont pas les faux slogans brandis par la gauche qui amélioreront la retraite des citoyennes
et citoyens. Au contraire, elles et ils ont besoin de vérité et d’informations qui leur permettent de voter en toute connaissance de cause en faveur de cette réforme, pour pérenniser le système de prévoyance.

Portrait : Johanna Gapany est économiste, conseillère aux États fribourgeoise et membre du PLR.