«Le projet fiscal satisfait bien les différents intérêts en jeu»
Le 19 mai, les électeurs suisses se prononceront sur la réforme fiscale et le financement de l’AVS (RFFA). Carl Emanuel Schillig, Group Tax Director au sein du Zurich Insurance Group, présente les principaux éléments de ce projet fiscal important pour le secteur de l’assurance.
Monsieur Schillig, pour quelle raison le système d’imposition des entreprises en Suisse a-t-il besoin d’être modifié?
Carl Emanuel Schillig: La réforme de l'imposition des entreprises est nécessaire, car certains privilèges fiscaux offerts par la Suisse aux entreprises exerçant à l'international (les sociétés dites à statut fiscal spécial) ne sont plus tolérés à l’étranger. Le projet vise à établir un système d’imposition des entreprises qui soit compétitif et conforme aux exigences internationales.
Si nous ne prenons pas nous mêmes les mesures qui s'imposent, les ministres européens des finances risquent d'inscrire la Suisse sur la «liste noire». Les pays figurant sur cette liste sont menacés de sanctions au bon vouloir de l’UE, comme le retrait de la reconnaissance de l’équivalence boursière.
Carl Emanuel Schillig, Group Tax Director au sein du Zurich Insurance Group
Quelles sont les principales modifications par rapport au système actuel?
Les privilèges fiscaux des sociétés bénéficiant d’un régime fiscal spécial ne sont plus acceptés et sont donc supprimés. À l’avenir, les mêmes règles d’imposition s’appliqueront à toutes les entreprises: aux grandes comme aux petites, à celles exerçant uniquement en Suisse ou essentiellement à l’international.
Or, il est important que la Suisse reste un site d’implantation attrayant pour les entreprises internationales. C’est pourquoi les taux d’imposition des entreprises seront réduits au niveau cantonal, et les investissements dans la recherche et le développement encouragés par de nouvelles dispositions fiscales spéciales (comme la patent box). Accompagnées de mesures complémentaires, ces dispositions se traduiront au global par une diminution de la charge fiscale pour la plupart des entreprises si, comme évoqué, les taux d'imposition cantonaux sont réduits en conséquence.
Toutefois, ces différents allègements fiscaux seront plafonnés afin que les pertes fiscales ne soient pas trop importantes pour les cantons et les communes, qui doivent continuer de financer des routes, des hôpitaux et des écoles. Par ailleurs, la part des cantons au produit de l’impôt fédéral direct sera relevée afin qu’ils puissent, au besoin, abaisser leur impôt sur le bénéfice. Ainsi, ils peuvent appliquer la réforme en toute autonomie en fonction de leurs besoins.
Pourquoi le projet fiscal est-il lié au financement de l’AVS?
L’AVS percevra près de deux milliards de francs supplémentaires par an. Les employeurs et les employés y contribueront à hauteur de 1,2 milliard de francs avec respectivement 0,15 pour cent de cotisations sur les salaires. La caisse fédérale contribue à ce financement en versant sa part du pour-cent démographique de la TVA. Par ailleurs, la contribution fédérale aux dépenses de l’AVS est relevée.
Du point de vue politique, le financement additionnel de l’AVS est censé constituer une compensation sociale au dégrèvement fiscal des entreprises. Pour l’industrie de l’assurance, le mariage du projet fiscal avec le financement de l’AVS ne doit en aucun cas se traduire par un report des réformes structurelles urgentes des 1er et 2e piliers.
Pourquoi le projet fiscal est-il important pour l’industrie de l’assurance?
L’approbation ou le rejet du projet fiscal auront des répercussions très nettes sur la place Suisse comme site d’implantation des entreprises. Les entreprises domiciliées en Suisse, tout comme leurs collaborateurs, ont besoin d’assurances pour se couvrir. Si la place économique suisse ne va pas bien, les compagnies d’assurances et leurs collaborateurs sont alors directement menacés.
Il y a deux ans, le peuple a rejeté la réforme de l’imposition des entreprises III. En quoi la réforme fiscalité-AVS est-elle meilleure?
Cette réforme fiscale permet de préserver l’attractivité et la compétitivité de la Suisse comme site d’implantation des entreprises. En outre, elle tient compte des demandes justifiées des villes et des communes, sans oublier que le financement additionnel de l'AVS constitue une compensation sociale. En conséquence, ce projet reflète mieux les différents intérêts en jeu que le défunt projet de réforme de l’imposition des entreprises III.