Con­grès 2024 Dom­mages cor­po­rels: la com­mu­ni­ca­tion, clé d'une réin­ser­tion réus­sie

Les deux hôtes, Manuel Nyffenegger, président du groupe de travail «Dommages corporels et réintégration» de l'ASA, et Patrizio Pelliccia, chargé des dommages et de la médecine de l’assurance à l'ASA, ont animé ces deux journées très denses. Bref aperçu des diverses problématiques abordées à Thoune.

Acouphènes lors d'un concert de rock, maladie professionnelle déclenchée par la pose de revêtements de sol ou dent cassée en mordant dans un petit caillou: «Voyager à travers deux années d'arrêts du Tribunal fédéral, c'est comme visiter Vienne en deux jours», déclare Sarah Riesch au vu des 7420 cas traités par le Tribunal fédéral en 2023. Les deux senior legal counsels Sarah Riesch et Sandra Weber de la Zurich Compagnie d'Assurances SA ont ouvert la première journée par un «tour d'horizon» d’une vingtaine de décisions les plus importantes, et parfois surprenantes, prises dans le domaine de l'assurance de personnes.

Après le lunch sur la terrasse surplombant le lac de Thoune, Volker Pribnow, avocat au barreau de Baden, a entamé l'après-midi par un aperçu de l’évolution du droit dans le domaine de la responsabilité civile. Même si la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de responsabilité civile n'a pas connu de grands bouleversements ces dernières années, certaines tendances se dessinent néanmoins. En s’appuyant sur des exemples parlants, il a expliqué la différence entre la responsabilité causale simple et la responsabilité causale aggravée, exposé les raisons pour lesquelles le délai de prescription relatif est de plus en plus court et est revenu sur le privilège de recours de l'employeur.

«L'IA peut être utilisée tout le long de la chaîne de création de valeur d'une assurance», explique Fabian Kostadinov, senior consultant chez Acrea. Il est dès lors compréhensible que cela suscite des réactions ambivalentes chez de nombreux collaborateurs: si les nouvelles possibilités génèrent de l’enthousiasme, les risques qu’elles comportent ne sont pas sans susciter une certaine anxiété. Ainsi, des données d'entraînement erronées, une utilisation inappropriée ou encore des attaques sur ou par des systèmes reposant sur l'IA comportent des risques considérables, alors que l'utilisation de tels systèmes est à même de doper la productivité des collaborateurs. 

En guise de conclusion, il a appelé les personnes présentes à ne pas vouloir à tout prix devenir des experts en IA, mais à acquérir au moins des connaissances de base en la matière afin de mieux savoir à quoi s’en tenir face aux décisions prises par l'intelligence artificielle. C'est la seule façon de saisir les opportunités et de réduire les risques. 

En effet, un système d'apprentissage automatique (en anglais, machine learning) qui fonctionne correctement comporte forcément des erreurs, puisqu'il repose sur la probabilité. De telles erreurs, par exemple ce que l'on appelle des «faux positifs» (comme un signalement de fraude à l'assurance là où il n'y en a pas) ou des «faux négatifs» (notamment le non signalement d'un carcinome là où il y en aurait un) peuvent avoir des conséquences fatales.

La jurisprudence non plus n’est pas à l’abri du risque de décisions erronées. Ainsi, certains tableaux cliniques ou certains handicaps sont difficiles à prouver devant les tribunaux. Quelles conditions doivent être remplies pour un tableau clinique donné? «Avec le temps, des sortes de «recettes Betty Bossi» se sont imposées pour les tableaux cliniques, ce qui accroît le risque de biais de confirmation», explique Jörg Jeger, spécialiste en rhumatologie, dans son exposé sur l'évolution de la jurisprudence dans le domaine des maladies mentales. En effet, des erreurs d'appréciation peuvent priver à tort des personnes souffrant de troubles importants de prestations d'assurance (décisions négatives erronées) ou, à l'inverse, leur permettre de bénéficier de prestations d'assurance sans y avoir réellement droit, ce qui équivaut à une fraude.

L'un des développements les plus pertinents consiste donc dans la jurisprudence portant sur les indicateurs qui est appliquée depuis 2015 en droit des assurances sociales pour toutes les maladies psychiatriques. Elle met l'accent sur la preuve de l’existence d'un trouble et non plus sur le diagnostic, comme c'était le cas auparavant. La discussion en séance plénière a montré que cela a permis à la jurisprudence de réaliser d’énormes progrès.

«La jurisprudence sur les indicateurs est une grande avancée.»

Michael Liebrenz, du service de psychiatrie forensique de l'université de Berne, a également pris en compte ces évolutions du droit. Il a axé son intervention sur la qualité des expertises médicales. De telles évaluations de l'état de santé d'une personne constituent la base décisionnelle en matière de droit aux prestations d'une assurance.

C’est également l'une des raisons pour lesquelles la qualité de ces expertises a fait l'objet d'une attention croissante ces dernières années. Afin de l'améliorer encore, la Commission fédérale d'assurance qualité des expertises médicales (COQEM) a développé six indicateurs de qualité. Enfin, un impressionnant avatar virtuel est apparu à l’écran et a résumé dans un allemand impeccable, synchronisation des lèvres comprise, les principaux points à retenir.

Manuel Nyffenegger a ensuite congédié l’auditoire en concluant par les paroles suivantes: «L’eau du lac de Thoune est à 20,6 degrés, aucune excuse pour ne pas aller se baigner» ce soir. L’apéro de réseautage suivi d'un BBQ dans le parc par une magnifique météo de fin d’été n’ont pas manqué d’être très appréciés des participants. 

Après une première journée dédiée à la définition des tableaux cliniques et à la jurisprudence, la deuxième a porté sur le traitement de ceux-ci, la réinsertion professionnelle des personnes concernées et la collaboration en découlant entre les services impliqués. Cela a favorisé la prise de conscience de la complexité du sujet et de l'importance de cette coopération. 

«En présence de troubles de la santé mentale, l’application d'un programme de réinsertion, ledit case management, permet de réduire le risque d'invalidité de 33 pour cent»

Madeleine von Arx, directrice de Compasso, a ouvert la séance en présentant la récente étude sur les employeurs «Gestion des ressources et des absences» qui pointe le rôle central joué par les employeurs en matière de réinsertion. «En présence de troubles de la santé mentale, l’application d'un programme de réinsertion, ledit case management, permet de réduire le risque d'invalidité de 33 pour cent», a-t-elle souligné. 

Pour faciliter la réinsertion, Compasso a développé en 2018 le profil d’intégration axé sur les ressources (PIR), un outil numérique gratuit destiné aux employeurs pour accompagner une réinsertion progressive. Une nouvelle campagne de lancement aura lieu début 2025. 
D’autres outils et moyens auxiliaires pour la gestion de la santé en entreprise ont été présentés par Klervi Moser de Promotion Santé Suisse. Cette fondation de droit privé met à disposition différentes offres gratuites pour aider les entreprises à mettre en place une politique efficace de gestion de la santé en entreprise (GSE):

• Leadership Kit et HR-Toolbox
• Apprentice
• Friendly Work Space Check

En obtenant le label «Friendly Work Space», une entreprise atteste d’un engagement sans faille en faveur de bonnes conditions de travail et de la santé des membres de son personnel.

Il y a bien longtemps que les CFF ont défini des structures et mis en place des mesures en faveur de la promotion de la santé mentale de leurs collaborateurs, a déclaré Karin Mahler, responsable de l’employabilité, de la santé et des affaires sociales (RH-ESS), lors de son exposé sur la gestion de la santé au sein des CFF. En mettant l'accent sur l'intervention précoce et la prévention, il s’agit de détecter les troubles de la santé mentale le plus tôt possible pour que le traitement puisse être efficace, ce qui garantit un taux de réinsertion élevé de près de 80 pour cent et le maintien de la capacité de travail des collaborateurs.

Cet aspect est primordial, car l'augmentation des arrêts de travail pour cause de maladie mentale est préoccupante, comme l'a souligné Maria Cerletti, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Les traitements ne doivent pas se contenter de soulager les symptômes. Il s’agit aussi de comprendre les causes profondes des troubles afin de prévenir les rechutes et de favoriser le retour au travail.

À cet égard, la communication entre les assureurs et les psychiatres revêt une extrême importance, a ajouté son collègue Jean-Daniel Sauvant. Les préjugés des deux côtés compliquent les échanges et entravent le traitement. Or, la confiance mutuelle et la prise de conscience de ces préjugés s’imposent pour favoriser une collaboration ouverte et efficace.

Louisa Riess, senior research associate à l'université de St-Gall, a souligné l'importance du rôle de la direction, de l'inclusion et des mégatendances en matière de santé et de prévention au travail. Selon elle, de bons dirigeants et des équipes inclusives sont essentiels pour un environnement de travail sain, et le changement numérique est porteur à la fois d’opportunités et de défis pour les membres du personnel.

Le dernier intervenant, Thomas Pfiffner, directeur de l'office AI des Grisons, a mis en lumière la collaboration entre l'assurance indemnités journalières maladie et l'assurance invalidité (AI) dans le cadre du processus de réinsertion professionnelle et a souligné qu'une collaboration partenariale entre les différents acteurs accroît le taux de réussite. Il a par ailleurs présenté les nouveautés de la réforme de l'AI 2022 et la manière de traiter les personnes affectées par le Covid long dans le contexte de la réinsertion professionnelle.

Le prochain congrès sur les dommages corporels devrait avoir lieu en 2026.