Urs Ber­ger et la dé­so­li­da­ri­sa­tion

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Invité par la Statistisch-Volkswirtschaftliche Gesellschaft  à Bâle, Urs Berger s’est exprimé le 15 mai 2017 dernier sur la désolidarisation: «A notre époque de désolidarisation, les assureurs mènent-ils un combat perdu d’avance?». Devant un parterre de personnalités issues des mondes politique et économique, Urs Berger est revenu sur différents aspects de cette question. «En matière d’assurances, les émotions jouent un rôle important», a-t-il déclaré pour commencer. Le secteur de l’assurance traverse une phase de profondes mutations. La solidarité est le fondement même de l’idée de l’assurance; or, de nos jours, les produits sont de plus en plus individualisés, et les nouvelles technologies permettent aux clients de se tenir de mieux en mieux informés.

Les assureurs, pilier de la place financière

Les assureurs comptent au nombre des huit principales branches économiques de la Suisse. Ils sont solides, bien positionnés et ont enregistré ces 20 dernières années une évolution nettement plus forte que celle des banques. A l'heure actuelle, les assureurs réalisent près de 50% de la création de valeur sur la place financière suisse.

Les enjeux restent importants

Les assureurs doivent rechercher des placements offrant des revenus pérennes et stables, en dépit d'un environnement de taux bas. Réglementation, pénurie de placements ou décisions politiques comme le taux de conversion donnent du fil à retordre aux assureurs. «Le contexte politique peut aussi provoquer une sorte de désolidarisation», a déclaré Urs Berger. Il suffit de se rappeler la campagne sur le «vol de rentes», conjuguée au fait que nous vivons dans une société vieillissante.

Révolution numérique et cyberrisques

La numérisation et son corollaire, la désolidarisation, mettent à mal le principe de la solidarité sur lequel les assurances reposent toujours aujourd'hui. La numérisation casse la chaîne de création de valeur. Google propose des conseils et Facebook en sait plus sur nous que ce que nous pensons. «Les données sont la matière première de la numérisation», a expliqué le président de l’ASA. Avoir du succès aujourd’hui à l'ère du numérique dépend énormément des données récoltées et de la manière dont elles sont utilisées. En la matière, la sécurité des données est primordiale. Ceci vaut également pour les cyberrisques. Les assureurs réagissent aux nouveaux défis et aux nouvelles opportunités: or, tant que l’ampleur des dommages n’est pas connue, il reste difficile de concevoir un produit adéquat. Si tout était conçu sur mesure pour tout un chacun et si nous savions tout de l’avenir, qui voudrait encore souscrire une assurance-vie? C’est la seule question à se poser. Car si nous pouvions obtenir des prévisions météorologiques suffisamment précises pour savoir où et quand éclateront les prochaines averses de grêle, qui aurait encore besoin d’une assurance en cas de grêle?

Désolidarisation contre économie collaborative

Partager au lieu de posséder, cette tendance n’est pas nouvelle – elle va à l’encontre de la désolidarisation. Ce passage de la possession au partage n’est pas sans se répercuter sur les affaires d’assurances. Peut-on souscrire des assurances de courte durée? Comment se calcule alors une telle prime ? Dans leurs réflexions sur l’adaptation de la réglementation, le Conseil fédéral et le Parlement se sont penchés sur la question de l’économie collaborative (sharing economy). Ces derniers mois, toute une série de nouvelles interventions ont été déposées devant le Parlement. La Confédération devrait-elle renforcer la réglementation touchant à l’économie collaborative?

«La réglementation a généralement pour but la protection des consommateurs», a rappelé Urs Berger. Or, en matière de protection des consommateurs, l’économie collaborative n’a pas besoin de davantage de prescriptions réglementaires, car elle repose sur l’autorégulation grâce au système numérique d’évaluation et de pilotage. Il s’agit là d’un gage de transparence. Quiconque ne se comporte pas de manière exemplaire, conduit un véhicule polluant ou témoigne d'un style de conduite dangereux, ne survit pas longtemps, car cela transparaît dans les évaluations qu'il reçoit. Pratiquement plus aucun client n’acceptera de monter à bord du véhicule d’un conducteur qui a deux ou trois étoiles. Dans le cadre de l’économie collaborative, le service n’est plus vérifié par les contrôleurs, mais par les consommateurs.

Qu'il soit question de révolution numérique, de défis à relever pour le secteur de l’assurance ou de la tendance à tout partager – le besoin de sécurité et d’assurances perdurera à l’avenir.