La grêle, un risque difficilement mesurable
La Suisse est l’un des pays les plus exposés au risque de grêle en Europe. Pascal Forrer, directeur de Suisse Grêle, explique l’importance des cartes des aléas de grêle et le rôle joué par les nouvelles technologies dans la gestion des risques.
Pascal Forrer, les sinistres provoqués par la grêle ont-ils évolué ces dernières années ?
Chaque année, la grêle cause des dommages aux cultures agricoles pour près de 65 millions de francs en moyenne. C’étaient même 130 millions de francs en 2004, 180 en 2009 et 110 en 2013. Un épisode de grêle extrême survient en général au bout de quelques années (plusieurs systèmes de grêle forment un système dépressionnaire ou un front de grêle potentiellement dévastateur). L'effet du réchauffement climatique sur le risque de grêle a été peu étudié jusqu’ici. Cependant, une augmentation des températures et une plus grande humidité dans la troposphère (basse atmosphère) pourraient favoriser l’apparition d'orages violents.
La nouvelle génération de données des radars et les mesures de référence promettent d'améliorer les bases sur lesquelles l'évaluation et l'analyse des risques reposaient: Pascal Forrer, directeur de Suisse Grêle.
En quoi les nouvelles technologies améliorent-elles la gestion des risques ?
L'agriculture, véritable atelier à ciel ouvert, est fortement exposée à la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes. Elle est donc totalement tributaire d’une gestion globale des risques. En la matière, les nouvelles technologies, en particulier, peuvent être d’une grande aide. Avec le SwissAgroIndex, par exemple, Suisse Grêle permet aux assurés d’obtenir des informations utiles, autant d’aides à la prise de décisions. Cet indice précise les jours de gel ou de températures tropicales, le bilan hydrique de diverses cultures arables et les zones exposées au risque de sécheresse. Il est très important pour nous de fournir ce genre d’informations aux assurés afin qu’ils puissent prendre leurs décisions en toute connaissance de cause, ce qui facilite leur gestion des risques.
Les nouvelles cartes de grêle reposent sur l’évaluation des mesures de 40 000 chutes de grêle issues du réseau de radars météorologiques.
En quoi la nouvelle carte des aléas de grêle modifie-t-elle votre travail ?
La grêle est un phénomène qui se produit principalement à petite échelle et est difficile à appréhender du point de vue métrologique, ce qui en fait un risque naturel particulièrement complexe. Les nouvelles cartes de grêle reposent sur l’évaluation des mesures de 40 000 chutes de grêle issues du réseau de radars météorologiques ainsi que sur les alertes à la grêle de l'application MétéoSuisse et sur les données enregistrées par un réseau de 80 capteurs automatiques de grêle. La nouvelle génération de données obtenues par radar et les mesures de référence promettent d'améliorer considérablement les bases sur lesquelles l'évaluation et l'analyse des risques reposaient jusqu’ici.
Quelle a été l’implication de Suisse Grêle lors de l’élaboration de ces cartes ?
Depuis sa création en 1880, Suisse Grêle s’est efforcée d’établir des statistiques minutieuses sur le risque de grêle. Elle a par exemple enregistré dès le début dans ses statistiques le nombre de dommages par commune dus à la grêle et déclarés par les agriculteurs. Cette base de données et la longue expérience de Suisse Grêle se sont avérées essentielles pour le contrôle de la plausibilité des nouvelles climatologies de la grêle du projet Climatologie de la grêle en Suisse (les mesures de la grêle par radar ne sont effectuées systématiquement en Suisse que depuis 1980).
Vous assurez l'agriculture et vous vous décrivez comme une organisation d'entraide. En quoi consistent vos échanges avec le secteur agricole ?
Depuis sa fondation en 1880, Suisse Grêle est organisée en coopérative, c'est-à-dire que les membres de la compagnie sont les agriculteurs qui souscrivent un contrat d'assurance auprès d’elle. Les agentes et les agents, les expertes et les experts ainsi que les inspectrices et les inspecteurs, ils et elles viennent toutes et tous de l’agriculture. Cela garantit un bon échange d'informations et une relation étroite avec les productrices et les producteurs.
De nouvelles technologies sont en cours de développement, elles permettront de fournir davantage d'informations encore. Qu'est-ce que cela implique en termes de prévention ?
Les nouvelles technologies (satellites, radars, drones, géoréférencement, blockchain, big data, intelligence artificielle, etc.) contribueront à n’en pas douter à accroître l'efficacité de la prévention et fourniront des outils précieux en la matière. Ces outils sont indispensables pour une gestion des risques de plus en plus performante et constitueront une plus grande précision encore dans le calcul des risques. Face à la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes due au réchauffement climatique, de nouvelles technologies s’imposent, tout comme l'adaptation des secteurs de l'agriculture et de l'assurance à cette nouvelle donne.
Pays de montagnes, la Suisse est l'une des régions les plus exposées à la grêle sur ce continent.
Suisse Grêle a été fondée en 1880 : quel en a été l’élément déclencheur ?
L'agriculture est davantage soumise aux phénomènes naturels, notamment, à la grêle, que tout autre secteur économique. Pays de montagnes, la Suisse est l'une des régions les plus exposées à la grêle sur ce continent. Soutenues par le passage d'une économie de subsistance à une économie monétaire et par la volonté de l'agriculture de prendre son destin en main, les premières compagnies d'assurances contre la grêle ont vu le jour en Europe au XIXe siècle ; elles reposaient sur le principe de la mutualité et pratiquaient l'assurance des récoltes sous la forme d'une activité sans but lucratif.