Pas de li­berté sans sé­cu­rité

InterviewArchives

Pour la population suisse, sécurité et liberté sont deux notions étroitement liées. A la demande de l’ASA, l’institut de recherche Sotomo a interrogé 10 401 personnes en Suisse sur leur ressenti en termes de sécurité. Michael Hermann est le directeur de l’institut de recherches Sotomo. Dans cet entretien, il revient sur les principaux enseignements tirés du «Moniteur de l’ASA sur la sécurité».

Quels sont les principaux enseignements tirés du «Moniteur de l’ASA sur la sécurité»?

L’étude fait ressortir un besoin prononcé de sécurité dans la population suisse. A part au volant de leur véhicule, rares sont les personnes interrogées qui reconnaissent avoir encouru des risques par le passé qu’elles jugent aujourd’hui «déraisonnables». En matière de finances et d’assurances surtout, la population mise sur la sécurité. Pour une majorité relative des répondants, les systèmes d’assistance à la conduite constituent une mesure technique permettant d’améliorer la sécurité sur les routes, ce qui n’est pas le cas des véhicules autonomes. Dans le secteur financier aussi, les personnes interrogées redoutent une progression de l’insécurité. Cette crainte porte surtout sur les cryptomonnaies et les bitcoins.

L’étude met aussi en évidence le fait que la liberté personnelle et la responsabilité individuelle sont très largement appréciées. En effet, en dépit du besoin généralisé de sécurité, aucune majorité ne se dessine en faveur d'une surveillance policière en ligne en l’absence de présomption concrète. Les personnes interrogées estiment, dans leur grande majorité, qu’il ne faut pas interdire les sports à risque, même les plus risqués comme le base jumping. Toutefois, ceux qui pratiquent de tels sports et s’exposent sciemment à des risques importants doivent alors en assumer les coûts en découlant, ne serait-ce qu’en partie.

Dr. Michael Hermann

Michael Hermann est le directeur de l’institut de recherches Sotomo.

Avez-vous été surpris par certains des résultats?

Dans ce contexte d’une responsabilité individuelle prononcée, j’ai surtout été surpris de constater que 65 pour cent des personnes interrogées soutiennent l’introduction de l’obligation du port du casque en vélo. Ici, l’ingérence dans la liberté individuelle semble manifestement moins grave. La tendance à multiplier les équipements de protection et de sécurité paraît être tout à fait acceptée par la population.

J’ai aussi été étonné par le fait que ce sont les femmes et les personnes de droite qui ressentent le plus d’insécurité. Pour ces deux groupes, la «liberté de mouvement» et «l’absence de peur» sont des aspects essentiels non seulement en matière de sécurité, mais aussi de liberté. Alors que pour les femmes, c’est surtout le risque d’une agression qui prédomine, les personnes de droite ont surtout peur de ce qui est étranger.

La prévoyance vieillesse est un sujet d’inquiétude pour la population suisse. Quels sont les enseignements du moniteur sur ce point?

Il est vrai que 36 pour cent seulement des répondants considèrent que leur besoin de sécurité financière à la retraite est couvert. Trois quarts s’attendent à ce qu'il y ait moins d’agent disponible à l’avenir pour les rentes AVS. Cette forte orientation sur la sécurité s’observe aussi dans le fait que seule une minorité souhaite procéder à un retrait en capital de son avoir de la caisse de pension. Parallèlement, une nette majorité se prononce contre la suppression de la liberté de choix entre le versement sous forme d'une rente mensuelle et le retrait en capital. Là encore, forte orientation sur la sécurité et préconisation de la responsabilité individuelle se mélangent. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les définitions des notions de «sécurité» et de «liberté» formulées par les répondants sont souvent très proches.